Léopold Hugo
Quick Facts
Biography
Léopold Armand Hugo (1828-1895), fils d’Abel Joseph Hugo et neveu de Victor Hugo, est un fonctionnaire, graphiste, sculpteur, mathématicien surtout connu pour ses travaux sur les surfaces et volumes géométriques, principalement les équidomoïdes, renommés par lui « hugodomoïdes », qui le conduiront à des délires philosophico-mathématiques.
Le fonctionnaire membre de sociétés savantes
Né le , Léopold Armand Hugo est le fils de Abel-Joseph Hugo (1798-1855), frère du célèbre écrivain Victor Hugo (1802-1885), et de Julie Hugo, (1797-1865), née Louise Rose Julie Duvidal de Montferrier, artiste peintre d’histoire et de portrait, qui avait épousé Abel Hugo le . Léopold Armand Hugo avait presque sept ans quand naquit son unique frère Joseph Napoléon Jules Hugo, qui deviendra jésuite, prêtre de Notre-Dame de Sion.
Léopold Armand Hugo suit les cours de l’École des mines, ce qui lui donne une solide base mathématique et scientifique. Il sera d'ailleurs l'un des premiers membres de la Société mathématique de France. Il étudie également divers sujets comme l'architecture et la sculpture. Étudiant la peinture, il sera élève de Horace Vernet. Il entre au ministère des travaux publics où il est chef de bureau. Il devient progressivement membre de plusieurs sociétés savantes.
Le , il épouse à Versailles Marie Jeanne Clémentine Solliers (née à Dijon, décédée le aux Batignolles) qui, déjà enceinte, donne naissance le à une fille, Marie Zoé Clémentine Hugo.
En 1866, il propose d'interpréter une inscription retrouvée à Alise-Sainte-Reine à partir de l'allemand moderne, qu’il considère très proche de l’allemand ancien. Son interprétation sera réfutée en détail la même année par Alfred Maury.
Du mathématicien original au suprême Grand-Lama
À partir de 1866, il soumet à l'Académie des sciences plusieurs courts mémoires sur la géométrie descriptive de formes particulières nommés « cristalloïdes » :
Les deux premières, en 1866 et 1867, traitent de formes géométriques circulaires, pouvant par exemple ressembler au dôme de la cathédrale de Florence. Plus précisément, Léopold Armand Hugo étudie la géométrie polyédrique des cristalloïdes élémentaires à directrice circulaire qu'il nomme équidomoïdes, ellidomoïdes, hyperdomoïdes, paradomoïdes et équitrémoïdes, ellitrémoïdes, hypertrémoïdes et paratrémoïdes, ainsi que diverses généralisations et compléments sur les conoïdes à génératrice courbe, les « cristalloïdes transcendants » et la « quadrature de la surface cylindrique de l’onglet ».
Ces publications démontrent une bonne connaissance de la géométrie descriptive et du calcul intégral. Si elles se situent à mi-chemin entre des divertissements mathématiques (avancés) et des « colles » pour étudiants de Polytechnique ou de Normale Sup’, elles restent aussi académiques que sérieuses.
En 1873, son mémoire sur Les cristalloïdes complexes à sommet étoilé traitent des pyramides, paradomoïdes, ellidomoïdes, etc., mais aussi des « solides imaginaires » et « pseudo-cristalloïdes à sommet circulaire ». Le texte est plus littéraire, mais comporte encore quelques équations et formules.
Il publie également, la même année, un Essai sur la géométrie des cristalloïdes traitant de « l'expérience de la segmentation du prisme triangulaire », de « la polygonisation des théorèmes dans l’espace » et de « la cristallisation des théorèmes dans l’espace ». Équations et formules disparaissent presque totalement et le texte contient nombre d’envolées littéraires plutôt surprenantes pour ce type de publications :
- « L’équidomoïde est comme le Soleil : aveugle qui ne le voit pas ! » [p. 18]
- « La Polygonie cristalloïdale vient refondre et renouveler, en la complétant, la Géométrie des anciens, au point de vue des solides ; c’est une extension d’Archimède et d’Eudoxe, comme les Traités modernes de Géométrie supérieure sont une extension d’Appolonius et de Pappus. Basée sur le polygonisme oriental, cette théorie mériterait, plus que toute autre, la qualification de Géométrie primordiale et internationale, en employant certaines expressions à la mode ; […] » [p. 18]
- « En regard de l’école d’Archimède, régnante depuis deux mille ans, je place aujourd’hui une autre école, d’origine modeste sans doute, mais aussi philosophique que pratique, laquelle se trouve conduite, dans le domaine de la théorie géométrique à cette conclusion forcée, la suppression de la sphère ; celle-ci n’est plus dans ma doctrine préarchimédienne qu’un équidomoïde limite ! » [p. 19]
En 1874, son Introduction à la géométrie descriptive des cristalloïdes : une réforme géométrique, purement littéraire, est une suite d’envolées lyriques. Le thème récurrent est que les équidomoîdes formés à partir d’un nombre croissant de cylindres de même diamètre tendent vers une sphère :
- « L’équidomoïde transeuclidien et cisarchimédien est le vrai générateur de la sphère. »
Il en déduit que :
- « En bonne philosophie, il n’y a pas de sphère. »
En 1875, La question de l'équidomoïde et des cristalloïdes géométriques - Géométrie hugodomoïdale, anhellénique, mais philosophique et architectonique n’inclut plus de mathématiques, mais une série de divagations :
- « Avec sa devise : « La sphère est un Équidomoïde limite », la nouvelle doctrine cristalloïdale s’est manifestée soudain, pareille à un météore fulgurant, au milieu du vieux monde géométrique… » […] « Aujourd’hui il serait permis de dire que nul ne sait la Géométrie s’il ignore l’Équidomoïde. C’est pour cette figure suprême qu’en bon père je me livre à une propagande effrénée […]. » [p. 15].
- L’article inclut un « opuscule fantastico-équidomoïdal » : « La sphère n’est qu’un Équido infinioïdique » [p. 20].
- On y trouve également la phrase souvent citée : « Analyste ! rends hommage à la Vérité, sinon l'Équidomoïde vengeur viendra peser, la nuit, sur ta poitrine anxieuse ! » [p. 24].
Le texte s’achève parl’incantation obscure :
- « Lah Illah Allah ; Hugo Rassoul Elwidomidah ! » [p. 31].
En 1875, il publie également Le Valhalla des sciences ou la galerie commémorative de Blois ou Le Valhalla des sciences pures et appliquées, galerie commémorative et succursale du Conservatoire des arts et métiers de Paris, à créer dans le palais neuf de Mansart, au château de Blois''. Le texte inclut une « Base philosophique-géométrique du système décimal et métrique où il affirme : « De la propriété régulière de l’Espace, de l’Absolu régulier, avoir fait jaillir le nombre DIX ! ». Il inclut également des considérations sur les orbites planétaires.
En 1876, il publie un Essai sur la cinématique céleste, l’astronomie géométrique et la nouvelle théorie des ovhélites. Celui-ci est parsemé de déclarations obscures, du type : « Le Réel est un archipel sporadoïde dans l’océan de l’imaginaire ».
C’est en 1877 qu’il publiera son article le plus délirant, La théorie Hugodécimale: ou, La base scientifique et définitive de l'arithmo-logistique universelle:
- « Urbi et orbi. Hic tandem triumphaliter fulget REGULARITAS! »
- « La pan-imaginarité hugomathique: CONTINUITAS ! CONTINUITAS ! TRICONTINUITAS ! » [p.3]
- « Aujourd'hui je me propose de travailler à vulgariser et à répandre dans les diverses régions civilisées de l'ancien et du nouveau monde, Tou-Kieou, Tchong-Kouo, Fou-Sang, etc., etc., cette haute doctrine philosophique qui, dans sa concision, mérite assurément une place aux premiers rangs de la Philosophie scientifique. » [p.6]
- « A retenir: la multiple Révélation mathématique du Comte Léopold Hugo. Suit la découverte de la Base scientifique du système décimal et de la numération ! Découverte pythagoréo-gigantesque en vérité ! Une des grandes idées philosophiques du siècle !
- Hugopythago Rassoul Kebir ! » [p.10]
Le texte inclut une « Encyclique Suprémo-lamasique relative à la théorie Hugodécimale » :
Traduction - En notre Lamaserie sacratissime et Demeure pandominante près de Lhassa, nous avons écrit et publié ce qui suit :
Fidèles sectateurs de la doctrine sakia-mounique, bouddhistes de tout l'univers asiatique (dont l'Europe n'est qu'un appendice secondaire), depuis Taprobrane-Lanka jusqu'à Khambalou.
Sachez que la Géométrie est une science due au gymnosophiste Pythagore, contemporain de notre Bouddha sauveur. Sachez donc, vous qui, au nombre de six cents millions, constituez plus de la moitié du groupe des fils de l'humanité sur cette terre, environnée de toutes parts d'un éther immense, comme l'île centrale du lac Palte est entourée d'une ceinture d'eaux limpides …
Sachez que l'Arithmétique de la science et du commerce est désormais appelée à trouver sa base première dans la Géométrie primordiale, dont la construction fut commencée par le susdit Pythagore, des fils de Javan.
La régularité est la plus belle et pure propriété des figures ; or cette régularité ne peut être satisfaite, selon la démonstration irréfragable des pandits occidentaux, de ce petit bout de l’Asie surnommé Europe, que par les neuf corps réguliers et la sphère.
Cela réalise divinement pour nous le nombre DIX, nombre absolu, infranchissable et himalayen.
C'est le Bouddha de la numération éternelle.
Nous voulons que tous nos fidèles bouddhistes sachent dorénavant, eux, les futurs maîtres, par la race, de tout l’univers terraqué, que là nous prenons à jamais la base de toute numération habituelle et commerciale.
Qu'on le répète, avec adoration, de Taprobranou à Khambalou : Dix est la régularité éternelle.
C'est ce que dans l'Occident extrême Sa Hautesse le Président de la Géométrique a dénommé la Théorie hugodécimale.
NOUS, le suprême Lama, dominateur des six cents millions.
Ici NOTRE doigt sacré,
Dalaï-Lama.
Donné au couvent de Potala, près Hlassa, et contresigné au pinceau sur l'original par les grands-thuriféraires et chanceliers lamasiques.
Note : L'original, en langue tibétaine, est conservé dans les archives philosophico-scientifiques de Sa Hautesse le Président de la Géométrique. [pp.11-12]Puis une « Évocation chino-tibétaine » :
Nous, suprême Grand-Lama, voulons reproduire pour tous l’opération magique hugodécimale. Salut ! Salut ! En notre Divan sacré de Hlassa-Potala, parfumé de nuages d’encens, nous étendons la main gauche en désignant et déterminant un point dans l’espace ambiant. Salut ! Salut ! Etc.
A nos pieds voyez les 9 + 1 fils de l’Espace merveilleux, formant une noble rangée hugovénérable sur notre tapis cenral-magique et suprémo-lamasique rayonnant. » [p.13-16]Une revue de l’article publiée dans les Nouvelles annales de mathématiques conclut : « les philosophes réformateurs doivent de garder de prendre l’exaltation des idées pour le sublime des idées. Ce n’est pas sans danger qu’on se lance dans la voie des réformes avec un enthousiasme qui, dans sa marche ascendante, pourrait s’élever jusqu’au délire. ».
Il se peut qu’une série d’évènements dans sa vie personnelle ait affecté son équilibre mental. Son frère Joseph meurt en 1863, puis sa mère Julie en 1865. En 1869, sa femme, Clémentine Solliers le quitte. En 1876 sa fille Marie Zoé Clémentine meurt à l’âge de 20 ans.
Sculpteur, graveur, physicien, architecte, mécène
Il présente diverses œuvres de sculpteur à plusieurs Salons annuels (où la présentation des œuvres était pratiquement libre) : un médaillon en marbre représentant son portrait en 1874, un marbre : Électryon, génie de l'électricité terrestre au Salon de 1877.
Son œuvre gravée, restée confidentielle, comporte une série de curieux autoportraits, dans lesquels il met en scèneles différentes facettes de sa personnalité .
En 1884, il soumet une note à l’Académie des Sciences, où il propose de représenter la masse atomique, au sens de William Prout (le nombre atomique) de chacun des métaux alcalins (du lithium au césium) comme un ensemble de points répartis au centre et sur les côtés d’un octaèdre régulier et d’un cube. Mais il ne propose aucune interprétation, explication ou application
Il collabore avec l’architecte Louis-François Roux pour présenter au Salon de 1885 un Projet de Palais européen pour l’Association internationale africaine (État du Congo).
En , il organise un lancer de pigeons pour honorer le corbillard de son oncle Victor Hugo qui passe sur la place de la Concorde.
En 1886, il fait une donation à l'Académie de médecine destiné à financer « un prix quinquennal de mille francs qui sera décerné par l'Académie à « l’auteur du meilleur travail, manuscrit ou imprimé, sur un point de l’histoire médicale ».
Décès et héritage
Son épouse, Clémentine, avait abandonné le domicile conjugal en 1869 pour suivre un amant en Allemagne où elle eut en 1870 une seconde fille. Léopold Armand Hugo intenta une action en désaveu de paternité et une demande en séparation de corps. En 1895, la séparation se transforme en divorce. Léopold s’engage à payer une pension tant qu’il vivrait.
Il meurt le et est inhumé à Paris, au cimetière du Montparnasse dans le caveau de son père, Abel Hugo, sa mère, née Julie Duvidal de Montferrier et sa fille Zoé. La stèle (division 18, rangée 1) est aujourd’hui presque illisible.
Clémentine Hugo tente alors de capter une partie de l’héritage de son mari. Elle est poursuivie en justice pour avoir produit un faux sous-seing privé prolongeant la rente jusqu’à son décès – à elle - et un faux testament lui attribuant la moitié de la fortune de son ex-mari
Raymond Queneau lui consacrera un chapitre dans son ouvrage Bords, ainsi que Nicolas Witkowski dans « Une histoire sentimentale des sciences » et Maurice d'Ocagne dans « Souvenirs et causeries : Hors des sentiers d’Euclide ». Ce dernier dira de lui : « Léopold Hugo était, certes, bien inoffensif, mais, non moins assurément aussi, pouvait-il être tenu pour un peu fou. ».
Le , il est fait citoyen d’honneur de la Commune Libre de Montmartre.