Jean Peltier Dudoyer
Quick Facts
Biography
Jean Peltier , dit Peltier Dudoyer (né en 1734 à Saint-Martin de l'Île de Ré et mort le à Nantes) est un armateur nantais. Après avoir armé 70 bateaux, il a passé la seconde partie de sa vie à l'Isle de France (Île Maurice aujourd'hui) où il s'était remarié. Il a proposé au Directoire,en 1798, d'être l'homme qui abolirait l'esclavage à l'Isle de France.
Biographie
Origines et jeunesse
Né dans une famille d'armateurs. Son père étant décédé quand il était encore adolescent, sa mère le confiera à un oncle Étienne René Dudoyer, procureur fiscal du château de Gonnord en Anjou.Jean Peltier poursuit ses études à la faculté d'Angers où il sera bachelier en droit, puis maître-es-arts. Il s'est marié, le , avec Gabrielle Marie Dudoyer. C'est à Gonnord que naissent ses 4 enfants dont Jean-Gabriel né en 1760, journaliste ; Marie-Étienne, né en 1762, corsaire ; Marie Anne Françoise, néeen 1763, future épouse de François Michaud.
En , le décès du propriétaire de Gonnord (Armand Charles Gabriel de la Forest d'Armaillé) va entrainer le départ de la famille Peltier pour Nantes. Le traité de paix mettant fin à la Guerre de Sept Ans a été signé le , le port de Nantes va pouvoir reprendre ses activités commerciales avec les Antilles et la traite.
L'installation à Nantes
En 1764. Il s'établit dans le quartier maritime, à l'Île Feydeau. Il est accueilli dans la loge maçonnique Saint-Germain du Grand-Orient comme le montre sa signature du .Le , il acquiert un petit bateau de 48 tonneaux le Dudoyer. Malheureusement l'absence de capitaux suffisants l'obligera à le revendre au cours du voyage vers Santander.Le , Jean Peltier est enregistré comme Inspecteur de tous les ports et quais le long des rivières navigables de Nantes à Ingrandes (Maine-et-Loire). Poste qu'il va occuper jusqu'à sa rencontre avec Jean Joseph Carrier de Montieu, directeur de la Manufacture royale d’armes de Saint-Étienne. Une carrière d'armateur s'offre enfin à lui, mais d'abord comme négrier.
Enfin armateur
La traite négrière : le , Jean Peltier se porte acquéreur de la Geneviève qu'il rebaptise la Diligente, du port de 90 tonneaux, "faisant et agissant pour le compte de Mr de Montieu de Paris". La destination est indiquée sur l'acte d'achat : la Côte d'or. Vont suivre l'achat du Boynes et de 3 corvettes, de l'Aimable Thérèse, le Terray et la Belle Nantaise, tous destinés à la traite. Mais la vie de Montieu s'est compliquée avec son rôle dans la réforme de l'artillerie voulue par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval. Son appât du gain va entraîner Montieu au procès des Invalides, il est condamné le à ce qui pourrait être la prison à vie. Heureusement, avec le règne de Louis XVI, le procès est rejugé à Nancy, Montieu et son beau-frère, Alexandre Louis Cassier de Bellegarde, sont acquittés. Pendant ce temps, Jean Peltier a géré au mieux les affaires de Montieu, revendant les bateaux à leur retour en France pour lui procurer des fonds. Une nouvelle orientation se profile : la Guerre d’indépendance américaine.
L'indépendance américaine (1776-1783)
1776. En juillet, l'arrivée du commissaire américain Silas Deane a décidé la France à intervenir dans la guerre d'Indépendance, mais à travers des personnes privées comme Jacques Barbeu du Bourg et Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais qui avait déjà eu des contacts à Londres avec Arthur Lee. Lors de son passage à Nantes en , Benjamin Franklin a l'occasion de rencontrer Jean Peltier et son fils aîné au cours d'un dîner chez Gruel. Finalement Beaumarchais a supplanté du Bourg et s'est allié avec Montieu. La société Rodrigue Hortalez & Cie est créée à Paris. Le premier essai d'envoi de renfort aux États-Unis à partir du port du Havre est pratiquement un échec. Seul l'Amphitrite réussit à quitter le port le (son retour sera une source de conflit avec les commissaires américains).Les associés vont s'appuyer sur Jean Peltier à Nantes et sur de Richemond et Garnaud à La Rochelle. Il s'ensuivra une longue collaboration avec Jean Peltier, puis avec François Michaud, son gendre qui deviendra ensuite son associé. Ainsi 25 navires vont quitter Nantes pour approvisionner les Américains ou nos colonies pendant la guerre d'Indépendance. Ces navires partiront d'abord seuls comme la Duchesse de Grammont ou le Duc de Choiseul jusqu'à la reconnaissance des États-Unis en 1778. Mais pour les armateurs français le remplacement de Silas Deane par John Adams ne facilite pas les rapports avec les Américains pour le règlement de leurs comptes.
1779. Jean Peltier achète, pour le compte de Montieu, le Drake, prise américaine de John Paul Jones, cédé par Johathan Williams, porteur de la procuration du capitaine McNeil. Cette vente est la conclusion d'un imbroglio entre armateurs et capitaines.
1780. Les bateaux de Jean Peltier doivent se joindre aux escadres de : Charles-Henri-Louis d’Arsac de Ternay qui transporte le corps expéditionnaire de Rochambeau, de Guichen et de La Motte-Picquet.
1781.Kerguelen décide une nouvelle expédition de découvertes. Il choisit le Liber Navigator, 150 tonneaux et 6 canons, armé par Aubry de La Fosse, armateur nantais. Le projet est financé par : le marquis de Louvois, Kerguelen lui-même, et la famille Peltier, de Saumur, qu'il a rencontrée lors de son emprisonnement. Louvois s'étant désisté, Montieu, décide de participer. Mais, faute de trésorerie, il doit tirer des traites sur deux autres armateurs nantais, Étienne Carrier et Jean Peltier. Muni de passeports français et anglais le Liber Navigator sort de l'estuaire de la Loire le . Mais un navire britannique l'intercepte et l'équipage est emmené en détention en Irlande. Les Anglais méfiants fouillent le navire et y trouvent un projet d'invasion de l'île de Saint-Hélène. Une idée conçue dans un moment d'oisiveté dira Kerguelen.
1782. Le a lieu le dernier départ de cinq navires, cette fois au profit de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), pour la défense du Cap de Bonne-Espérance contre les Anglais. Les bateaux feront le voyage sous la protection de l'escadre de Peynier. Ils seront vendus sur place au roi de France et continueront leur route vers l'Isle de France puis les Indes pour approvisionner Suffren.
1783. La fin de la guerre approche, Beaumarchais tente une expédition vers Saint-Domingue : 3 navires, dont deux l'Alexandre et la flûte la Ménagère prêtée par le Roi, sont capturés par un navire anglais le Mediator à la sortie de la Gironde le . Seule l'Aimable Eugénie, armée par Jean Peltier et commandée par son neveu Nicolas Baudin, réussit à s'échapper et à rejoindre Saint-Domingue, où il fait naufrage. Une catastrophe pour Beaumarchais.
Les liens vers l'océan Indien
La libération des prisonniers par les Anglais, voit l'arrivée en France d'un armateur de l'Isle de France : Robert Pitot, un Malouin d'origine. C'est lui qui avait réalisé le , au cap de Bonne-Espérance, pour le compte de Montieu, la vente au roi des bateaux de l'expédition de soutien à la VOC. Des liens d'entraides vont se créer entre Peltier et Pitot. Ce dernier devenu veuf, épouse Marie Louise Hélène Lechault, le . Les affaires sont devenues dures, baisse des frais de ports et de la demande en café eten sucre, d'où des difficultés de trésorerie et des faillites retentissantes. Malgré la paix signée à Versailles le 3 septembre 1783, la France ne réussit pas à instaurer réellement des liens commerciaux avec les USA. Jean Peltier crée une banque à Paris, Jean-Gabriel le représente sur place en association avec un cousin de J-J Carrier de Montieu : Étienne Carrier. Jean Peltier Dudoyer est caution et répondeur de son fils. Il donne «une hypothèque générale de ses biens présents et futurs et s’engage au payement, tant en principal qu’intérêts», des sommes qui sont prêtées par Messieurs J. B. de La Valette et Baudard de Sainte-James, trésorier de la Marine et des colonies. Jean Peltier Dudoyer garantit ainsi le prêt de trois cent mille (300 000) livres fait à Jean-Gabriel, remboursable dans 10 ans.
À cette époque Montieu se lance dans des achats immobiliers inconsidérés, dont le Château-Lafite en 1784, et pour cela fait un emprunt à Beaumarchais qu'il va devoir rembourser avec des traites sur Jean Peltier !
Le dernier voyage des Acadiens
En 1785, le roi d'Espagne Charles III, désirant peupler la Louisiane pour faire face aux anglophones, obtient de Louis XVI, le droit d'y installer les derniers Acadiens qui traînent dans les ports français. Le consul d'Espagne Manuel d'Asper y Janer est chargé de la mission par le Comte d'Aranda. Sept bateaux sont affrétés dont deux par Jean Peltier : le Saint-Remy et le Bon Papa, dont le second capitaine est son fils Marie-Étienne Peltier. Le dernier bateau est commandé par Nicolas Baudin. Arrivé sur place, Marie-Étienne, qui en a les pouvoirs, revend le Bon Papa le et achète une habitation à Joseph Xavier de Pontalba, maison qu'il recède au vendeur le ! Cette opération reste un mystère. Il faudra attendre 8 ans pour retrouver Marie-Étienne à Charleston, corsaire de la République française.
L'année 1785 se termine mal pour Montieu, la vente de Château Lafite est annulée an nom du retrait lignager une pratique de la Guyenne. Les vendeurs ne restituant pas l'argent perçu, Montieu est en faillite et entraîne Jean Peltier dans sa chute. La banque parisienne, qu'il avait créée, ferme ses portes. Jean Peltier et François Michaud payent leurs dettes et seront réhabilités par le Parlement de Bretagne le .
Ses relations avec Pitot ont tourné Jean Peltier vers l'Océan Indien. D'abord, en 1786, vers le Mozambique pour de la traite. Puis spécialement vers l'Isle de France de 1788 à 1802, à la suite des dissensions qui apparaissent à Saint-Domingue. De son côté Robert Pitot fait faillite et décède au cours d'un voyage à Madrid le , laissant sa veuve en France, loin de son patrimoine mauricien. Jean Peltier lui trouve un embarquement pour l'Isle de France.
L'Isle de France
Jean Peltier a l'esprit ouvert aux idées nouvelles et le , à la fin de la délibération du conseil communal de Nantes, il est un des premiers à signerune requête en faveur du Tiers-état et de leur représentation. Ainsi, le 1 , il participe à l'élection de 12 députés. Au mois d', son fils Jean-Gabriel écrit un libelle prémonitoire adressé aux députés bretons : "Sauvez-nous ou Sauvez-vous".
Mais devenu veuf (), Jean Peltier s'embarque le pour rejoindre Manon et son frère Louis à l'Île Maurice. Arrivé le , il vend la cargaison et le navire, et s'installe paroisse Saint-Louis au Port Nord-Ouest. Le Jean et Manon se marient, mais sous la séparation de biens. Jean Peltier ayant peu de liquidités, rejoint la Francepour réarmer un nouveau bateau et revenir. La situation en France s'est dégradée, il peut quitter la Loire le (4 jours après les massacres parisiens) sur l'Aimable Suzanne. Arrivé le , le bateau va continuer vers l'Inde où il sera vendu dans les années 1794-95. En 1798, il regagne la France pour organiser un nouveau voyage. Il a assisté, en 1796, à l'échec de René Gaston Baco de La Chapelle et Étienne Laurent Pierre Burnel dans leur mission d'abolir l'esclavage à l'Isle de France, aussi en , il propose au Directoire de lui confier la mission de l'abolition de l'esclavage dans cette île. Sa suggestion restera sans réponse.La Paix d’Amiens semble se dessiner, Jean Peltier et François Michaud décident d'armer une prise anglaise, appartenant à Alexis François Joseph Dauchy, de Dunkerque, qui attend dans le port de Nantes. Ils ont le projet d'aller à Tranquebar (Indes danoises), où réside un parent Augustin Baudin, en faisant une escale à l'Isle de France. Sans attendre la paix qui ne sera signée que le , la Félicité, quitte Nantes le . Les 278 tonneaux du bateau emmènent tout un matériel pour les sucreries en raison des difficultés à s'approvisionner en sucre avec Saint-Domingue. Ils arrivent à l'Isle de France au mois de juin. Ont-ils poursuivi leur voyage vers l'Inde ? Impossible de le dire, le rôle de désarment archivé à Lorient a été détruit pendant la guerre de 1939-45. Par les passagers, on sait que le navire est de retour à Lorient le , avec à son bord Jean Peltier.
Le décès à Nantes
Profitant, lui aussi de la Paix d'Amiens, Napoléon intente un procès à Londres, contre Jean-Gabriel Peltier, le journaliste qui l'agresse depuis des années dans la presse émigrée. C'est pendant ce procès que Jean Peltier décède le à Nantes à la Place de la Petite-Hollande, ne possédant plus que 3 416 Francs de biens mobiliers. Sa seconde épouse décédera à l'Ile Maurice le .
Hommages
Jean Peltier Dudoyer a été officiellement reconnu en 2005 comme "ayant servi la cause de l'Indépendance Américaine" par la Société en France des Fils de la Révolution Américaine (RUP) et a été inscrit en tant qu'ançêtre qualifiant sous le n° 334. Une fiche biographique de Jean Peltier Dudoyer a été incorporée au "Dictionnaire biographique des ancètres SAR".Le , the National Society of the Sons of the American Revolution (NSAR) a reconnu ses mérites, et a attribué à un de ses descendants, agréé comme membre de l'association, le certificat N° 165163.
Bibliographies
- Claude Wanquet, La France et la première abolition de l'esclavage: 1794-1802, Karthala Éditions, 1998, 724 p. (lire en ligne [archive]), « L'équipée de Baco et Burnel », p. 293-296. Jean Peltier Dudoyer, p. 115.
- Tugdual de Langlais, L'armateur préféré de Beaumarchais … Jean Peltier Dudoyer, de Nantes à l'Isle de France, Coiffard Éditions, 2015, 340 p.
- Roger Lafon, Beaumarchais le brillant armateur, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales, Paris, 1928, pp. 81, 98, 159, 163, 170, 171, 172, 212.
- Jules Marzan, Beaumarchais et les affaires d'Amérique, lettres inédites, Librairie Édouard Champion, Paris, 1919, pp. 5, 23, 27, 32, 37, 38, 43, 45, 46.
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- Pierre Nardin, Gribeauval, Lieutenant général des armées du roi (1715-1789), Les cahiers pour la fondation pour les études de défense nationale, Paris, 1982. Le procès des Invalides.
- "Journal politique ou gazette des gazettes", A. Bouillon, Année 1773, octobre, novembre et décembre. Volume 45, p. 42, 63, 33, 34, 43, 40, 37. Évoque le procès des Invalides.
- Léon Rouzeau, "Annales de Bretagne" : Aperçu du rôle de Nantes dans la guerre d'indépendance américaine (1775-1783), pp. 217-278, N° 2 – Tome LXXIV, 1967.
- Patrick Villiers Le commerce colonial atlantique et la guerre d'Indépendance américaine, Paris, 1975, prix Académie de marine 1976, p. 56, 89, 287, 331, 404, 410, 412.
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- Alain Demerliac, La Marine de Louis XVI : Nomenclatures des navires français de 1774 à 1792, Ancre, 1996.
- Camille Mellinet, La commune et la milice de Nantes, Vol. 5, 1840, Nantes, pp. 360, 385 & 386.
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- Hélène Maspero-Clerc, Un journaliste contre-révolutionnaire Jean-Gabriel Peltier (1760-1825), Sté d'Études Robespierriste, 1973, 340 p.
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- Raymond d'Unienville, Histoire politique de l'isle de France (1791-1794), 1982, 261 p. Et Histoire politique de l'isle de France (1798-1803), Publications des Archives de Maurice, 1989, 343 p.
- Le Chasse-Marée, "Jean Peltier armateur obstiné", N° 288, , pp. 36-45. Article de Nathalie Couilloud.
- Jacques de Certaines, Jean Peltier Armateur à Nantes au Siècle des lumières, Éditions Apogée, Rennes, 2011, 173 p.
- Thierry Clayes, Dictionnaire biographique des financiers en France au XVIIIe siècle, 2volumes : Tome I de la lettre A à K, p 145 et 427. Tome 2 de la lettre L à Z, Éd. L'Harmatan, Paris, 2011.
Sources
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- Répertoire des expéditions négrières françaises au XVIIIe siècle, Jean Mettas, 2 tomes, Société Française d'Histoire d'Outre-mer (SFHOM), 1978 & 1984. pp. 962, 969, 990, 995, 996, 1039, 1129, 1168, 1181, 2337
- The papers of Benjamin Franklin : Volume XXIII, p 38, p 190. Vol. XXIV, lettre du ,p 40, p 111, p 133, p 175, p 225, p 250, p 258, lettre du p 1, p 350, p 474, p 549. Vol. XXV,p 117, p 131, p 145, pp 159-160, p 194, p 295, p 705.Vol. XXVI, p 206. Vol. XXVII, p 259, p 454, p 463. Vol. XXVIII, p41, p 305 n 9, pp 407-408, p 523, p 523 n. 3, p 524, p 532 n. 5. Vol. XXIX, p 124, p 129, p 144 n.7, p 166, pp 167-168, p 198. Vol. XXX, p 140.
- Lettrers of Wiliam Lee : Volume II, 1766-1783, p 556. p 628, p 387, p 388 n 8, p 556, p 631. Collected and edited by Worthington Chauncey Ford, Brooklyn, N.Y. 1891.
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Article connexe
- Jean-Gabriel Peltier son fils, le journaliste contre-révolutionnaire.