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Jacques Warnier

Jacques Warnier

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Jacques Warnier
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Biography

Jacques Warnier, né le 14 décembre 1901 à Reims, et mort le 25 avril 1966, est un patron du textile rémois, qui a milité pour le corporatisme et a fondé ou présidé plusieurs associations des années 1930 aux années 1960.

Biographie

Un patron catholique

Petit-fils de Jules Warnier, député de 1871 à 1876, fils aîné d'André Warnier ( 1869-1926 ) et de Cécile Duché, catholiques, Jacques Warnier entre en 1923, après son service militaire, dans l'entreprise familiale Warnier-David de Reims, une société de négoce de tissus de laine. Il succède à son père en 1927. Il est allé aux États-Unis en 1924 et en est revenu effrayé par la société capitaliste américaine. Il épouse en 1929 Germaine Durand-Viel, fille du vice-amiral Georges Durand-Viel, commandant l'école de guerre et le Centre des hautes études navales, chef d'état-major de la Marine en 1931. Il est père de 6 enfants. Il entre en 1935 au conseil d'administration de la société des amis du vieux Reims. Il demeure au château de Cuisles.

C'est à partir des années 1930 qu'il commence à prendre des responsabilités et à fonder des associations. À Reims tout d'abord. Il fonde en 1934 avec un groupe d'amis, dont un théologien, un petit cercle catholique qui publie des Cahiers, la Société de Saint-Louis. Il accède en 1935 au secrétariat social du diocèse de Reims. Il est chargé à ce titre en 1936 d'accueillir l’archevêque de Reims Mgr Emmanuel Suhard, de retour de Rome où il a été élevé au cardinalat. Dans son discours, il évoque « la France et le monde entier ( qui ) expient lourdement depuis de longues années la grande erreur matérialiste d’une humanité qui a cru pouvoir dans son orgueil rejeter Dieu ». « Faisons passer au second plan nos préférences politiques », demande-t-il ; « oublions nos préjugés de classes ». « Les privilèges de classes » ne se justifient que « par des responsabilités et des devoirs effectifs ». Il fustige « les erreurs dénoncées par les papes », « le capitalisme libéral ou son héritier direct le socialisme », deux systèmes qui sous prétexte de liberté ou de justice créent la licence et l’oppression » ». Il est de ces catholiques « qui veulent refaire un ordre social juste ». Un ordre dans lequel les intérêts « temporels et spirituels » des patrons et des ouvriers sont liés car « patrons chrétiens et ouvriers trouvent le principe de l’unité dans l’esprit surnaturel qui les anime » ; leur « union s’effectue concrètement sur les Encycliques pontificales ». Il convient donc d’agir pour « rendre intentionnellement possible à chacun l’expression pleinement chrétienne de sa fonction au lieu de revendiquer parfois des mesures incompatibles que l’économie libérale ne permet pas d’appliquer ».

Un militant du corporatisme

Warnier est à la fois « un praticien et un théoricien du corporatisme chrétien ». Il fonde en 1936 et anime l’Alliance corporative des industries textiles de Reims et de la région, qui associe des patrons et des cadres. L'élement ouvrier n'en fait pas partie, mais son intégration est espérée. Il milite à Reims - il préside le Centre interprofessionnel de Champagne des Métiers français - , et à l'échelon national à l'association Les Métiers français, « Mouvement national pour la corporation », initiée par le « comte de Paris » Henri d'Orléans (1908-1999) et soutenue par son périodique, Courrier royal, auquel Warnier collabore. Il présente son expérience précorporatiste rémoise lors du deuxième congrès de cette association en 1937. Il l'a aussi présenté dans le périodique Le Corporatisme et des conférences, comme par exemple à Nancy ou à Lyon. Warnier est alors convaincu que « l’anarchie libérale ne pouvait plus durer, mais qu’elle n’était pas à remplacer par une économie caporalisée que l’Etat s’efforcerait de diriger ». Réponse à la crise des années 1930 et du libéralisme orthodoxe, son corporatisme se voulait aussi « un barrage » à l’étatisme. Dès 1935, il souhaitait « l’organisation à la fois sociale et économique des professions en « corporations » se gérant elles-mêmes », fondée sur des « corps professionnels dirigés par une représentation qualifiée des patrons, des techniciens, des employés, des ouvriers permettant la collaboration effective des divers éléments sociaux de la profession, dans un esprit de communauté d’intérêts indispensable au relèvement moral et économique du pays ». Avec comme arbitre « un pouvoir politique capable de rendre impartialement la justice, dégagé donc de la pression des partis aussi bien que de celle de l’argent ». Un capitalisme « assaini » mettrait un terme à « l’irresponsabilité et l’anonymat », concrétisés par la société anonyme. Car, selon Warnier, « il faut à toute entreprise un chef, mais un chef pleinement responsable » et « l’entreprise, qui est une communauté de travail, ne doit pas être à la merci du seul pouvoir d’un argent anonyme ». Le but final devant permettre de retrouver « la notion chrétienne de l’homme » .

Il intègre au printemps 1937 une association patronale, le Comité central de l’organisation professionnelle (CCOP), fondé l'année précédente afin de promouvoir l’idée corporatiste auprès du patronat, puis contribue à fonder le Centre des jeunes patrons ( CDJ ), né en 1938 et présidé par Jean Mersch. Selon Warnier, l'enjeu est simple : « faire peut-être l’économie d’une révolution rouge ». Il tient des conférences sur le corporatisme ; il préside par exemple un débat à la Mutualité à Paris en 1938.

Mobilisé en 1939 dans l'artillerie, il est blessé dans les Vosges en juin 1940. Il est décoré de la Croix de Guerre et de la Légion d'honneur, à titre militaire. Il préside à partir de décembre 1940 la section rémoise du CDJ ainsi que le Comité de liaison des sections de province à partir d’octobre 1941. Cette année-là, à la suite du discours du maréchal Pétain à Saint-Étienne du 1er mars 1941, annonçant la création de « comités sociaux où, patrons, techniciens et ouvriers rechercheront ensemble les solutions des problèmes actuels dans une commune volonté de justice, dans le souci constant d’apaiser par l’entraide les misères et les angoisses de l’heure », il fonde avec d'autres patrons et des militants corporatistes une association, l'Office des comités sociaux, chargé par l'État de promouvoir la constitution des comités sociaux d'entreprises, ancêtres des comités d'entreprises fondés après la Libération. Il préside jusqu'à sa démission en 1944 la commission patronale de cet Office et préside l'association à tour de rôle avec un cadre et un syndicaliste. Il réfléchit à sa doctrine lors de conférences et dans des brochures. Il démissionne en mai 1944, refusant l'étatisation de l'OCS voulue par les syndicalistes proches du Rassemblement national populaire et par les ministres du travail, Jean Bichelonne puis Marcel Déat.

Il est par ailleurs membre du Conseil de direction du principal syndicat patronal du textile, l'Union des industries textiles de France, des années 1940 aux années 1960.

Un engagement poursuivi après la guerre : CJP et CRC

S'il abandonne après la guerre le vocable corporatiste, il n'en continue pas moins à militer au sein du Centre des jeunes patrons ( futur Centre des jeunes dirigeants d'entreprise ), qu'il préside d'ailleurs de 1947 à 1951. Il a pu critiquer le conservatisme du Conseil national du patronat français, notamment en 1949. Il est l'un des cofondateurs en 1950 d'une revue trimestrielle, Sources, aux côtés de catholiques « unis par le travail et l'amitié et désireux de faire passer leur foi dans leurs actes », dont Jean Predseil, secrétaire général du CDJ, l'économiste Louis Salleron, qui milita aussi pour un corporatisme chrétien, Henri Migeon, Jean Daujat, Pierre Loyer, André Romieu, ancien directeur de l'Office des comités sociaux, Pierre Pasquet, de la Confédération nationale de la famille rurale, le polytechnicien Yvan Téqui. C'est une énième revue de la troisième voie, entre libéralisme et socialisme.

En 1951, il gagne à nouveau les États-Unis à l'occasion d'une mission de l'Association Française pour l'accroissement de la productivité ; il est alors frappé par le niveau de vie des salariés américains. Il adhère à sa fondation en 1952 au groupe français du Comité européen pour le progrès économique et social ( CEPES ), fondé avec l'appui de patrons américains et de la Ford Foundation, mais il n'intègre pas son comité directeur. La même année, il mène avec Georges Villiers, président du Conseil national du patronat français, des discussions qui débouchent l'année suivante sur la fondation d'un club de réflexion patronal, le Centre de recherche des chefs d'entreprise ( CRC ). Villiers et Warnier veulent que le CRC réponde à deux objectifs complémentaires : proposer des sessions d’études aux patrons et aux cadres voulant recevoir un enseignement pratique des techniques managériales d’une part, et d’autre part organiser un « lieu de réflexion en commun sur des grands problèmes d’intérêt général ». Warnier y voit l'occasion de mettre en œuvre ses convictions sur la nécessité pour les patrons et les cadres de discuter sur les aspects psychologiques, sociaux et économiques de l'entreprise, et de se former aux méthodes d'organisation et de direction des entreprises. Il écrit dans la revue du CJP en 1954 : « Le CRC sélectionne des chefs d’entreprise ayant une grande responsabilité ou un large rayonnement, et leur propose un entrainement idéologique ». Il préside le CRC jusqu'en 1957. Il est secondé par deux vice-présidents, Alfred Landuccci, président de Kodak-Pathé (par ailleurs vice-président du groupe français du CEPES), et Emmanuel Mayolle, vice-président du CNPF.

Le CRC organise des sessions d'informations pour les cadres, à Annet-sur-Marne du printemps 1954 à novembre 1955, puis au château de Jouy-en-Josas, acheté par une société civile immobilière constituée en décembre 1951 par Warnier et ses amis, et tient des séminaires de recherche doctrinale, dans le cadre de la « section d’études générales du CRC », rassemblant les patrons membres de l’association. De ces séminaires résulte un rapport, écrit par le président des trois groupes d’études mis en place. Ces groupes sont présidés par Paul Huvelin, futur président du CRC puis du CNPF, qui préside la section générale, Marcel Demonque et Pierre Grimanelli. Ces patrons ne sont que 21 à l'origine. Parmi eux, on trouve René Norguet, Rolf Nordling, président du CNOF, Georges Laederich, ainsi que des métallurgistes comme Raoul de Vitry, Jacques Lenté, Roland Labbé, président de l'UIMM.

Alors que l'emprise du CNPF sur le CRC se renforce, les relations entre Warnier et Villiers, conseillé par le docteur André Gros, se détériorent. Ce qui conduit Warnier à quitter le CRC en 1957, d'autant qu'il tombe malade cette année-là. Il prépare cependant sa succession, proposant pour lui succéder Arnaud de Vogüé, le président de Saint-Gobain, qui devient en 1958 le nouveau président du CRC, remplacé en 1975 par l'Institut de l'entreprise.

À partir de 1959, Warnier préside la Fédération française du tissage de la laine, jusqu’à ce qu’un infarctus du myocarde le frappe à nouveau en 1964.

Bibliographie

  • Régis Boulat, « Jacques Warnier, itinéraire d’un patron corporatiste des années 1930-1950 », dans Olivier Dard ( dir. ), Le siècle du corporatisme. Le corporatisme dans l’aire francophone au XXe siècle, Peter Lang, Berne, 2011, p. 94-118
  • Régis Boulat, « Du Centre de recherche des chefs d’entreprise à l’Institut de l’entreprise ou « comment gagner la guerre des idées » dans la seconde moitié du XXe siècle » dans Olivier Dard, Gilles Richard ( dir. ), Les droites et l’économie en France au XXe siècle, Riveneuve éditions, 2011, p. 27-53
  • Florent Le Bot, "La naissance du Centre des jeunes patrons (1938-1944) Entre réaction et relève", dans Vingtième siècle, Revue d'histoire, 2012/2, n° 114
  • Richard Vinen, The Politics of French Business 1936-1945, Cambridge University Press, 2002
  • Georges Lefranc, Les organisations patronales en France : du passé au présent, Payot, 1976

Liens externes

Notes et références

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