Eugénie Guillou
Quick Facts
Biography
Eugénie Marie Guillou, née le à Paris 18e et morte au XX siècle, connue sous les noms de Guillou de Launay et de la Religieuse, est une religieuse, prostituée et proxénète. Elle est une spécialiste de la fessée et des mises en scène sexuelles dans le Paris des maisons closes et du libertinage du XX siècle commençant.
Biographie
Jeunesse
Eugénie Guillou est la fille de Théodore Julien Guillou (1836-1880) et de Marie Eugénie Delauney (1838-1916), tous deux faïenciers et a deux frères, Jules Frédéric Guillou, né en 1863 et Lucien Jules Guillou, né en 1865.
Institutrice
Après que sa famille, semble-t-il aisée, a été ruinée par un revers de fortune (Les Guillou sont négociants et rentiers), Eugénie Guillou fait ses études au pensionnat des sœurs de la Providence, à Montigny-le-Gannelon, obtient en 1878 son brevet de second ordre et devient sous-maîtresse dans une école à Vincennes.
Entrée dans les ordres
En 1880, elle rejoint la congrégation des sœurs de Sion. À sa majorité, la mort de son père en juillet 1880 la laisse sans appui.
Devenue sœur Marie-Zenaïde, elle demeure douze ans chez les sœurs de Sion, sans que l'on n'en sache guère plus sur cette période. Après avoir prononcé sa profession de foi, elle est envoyée de 1882 à 1890 dans la communauté de Iași, en Roumanie.
Le 20 juillet 1892, le Conseil des sœurs de Sion prononce l'exclusion de deux religieuses professes de chœur, sœur M.-Zénaïde et sœur M.-Andrea, et d'une religieuse professe converse, sœur M.-Saturnine. Les raisons du refus opposé à la prononciation des vœux perpétuels d'Eugénie Guillou sont inconnus. Un accord de dédommagement en sa faveur est cependant connu, pour un montant de 2 000 F. Par la suite, en 1902, elle engage, mais en vain, une procédure devant le tribunal de la Seine en exigeant 20 000 F.
Selon Daniel Grojnowski, seul historien à s’être intéressé à ce destin, c’est dans ce lieu saint qu’elle aurait découvert les plaisirs du fouet. Ce châtiment corporel était alors plus que courant pour éduquer les jeunes filles. Mais plutôt que de retenir la leçon, Eugénie Guillou, elle, appréciait de se faire fesser.
Prostitution
On ne sait pratiquement rien d'elle durant les années qui suivent, de 1894 à 1900. Elle semble avoir vécu de ses services de gouvernante ou d'enseignante et apparaît brièvement comme bonne chez une proxénète.
La police s’intéresse à son cas, en tombant sur une petite annonce parue dans Le Journal, quotidien de la Belle Époque : « Recevoir le fouet est chez moi une passion, un besoin. Si vous pouvez me trouver un monsieur aisé aimant fesser la femme, je vous dédommagerai généreusement. »
Dans le rapport du trois octobre 1902, signé de l’inspecteur adjoint Pages, la nommée « Guillou de Launay » a fait connaissance d’une jeune fille âgée de vingt et un ans, soi-disant, mais qui, habillée en jupe courte, n’en paraît pas plus de quatorze ans. De plus, elle a rencontré l’abbé Bouteyre, à eux trois ils font des scènes de proxénétisme dans lesquelles on fouette la petite fille.
Elle se fait à nouveau connaître cette fois en étant arrêtée pour prostitution en décembre 1902 et brièvement incarcérée à Saint-Lazare. Un indicateur de la police, s'est déplacé en décembre de la même année, en se faisant passer pour un potentiel client. Eugénie Guillou lui expliquera : « Eh bien voici, j’ai cherché dans tout Paris des jeunes filles toutes minces, petites et paraissant à peine treize à quatorze ans. Je les fais venir moyennant une modique somme et leur fais la classe dans la salle d’études sur le côté de laquelle est placé un rideau percé de deux trous, le premier à hauteur des yeux, le deuxième à hauteur des boutons de votre pantalon. » L'indicateur prend rendez-vous et rend compte à ses supérieur : « Il y aura trois fillettes. Nous avons essayé le rideau pour voir si la hauteur correspond à la… mienne. Elle me mettra aussi un loup sur la figure afin que les fillettes, si elles me rencontrent dans la rue, ne puissent me reconnaître. J’ai demandé, afin que vous puissiez bien établir le délit sans aucun embarras, qu’elle fera entièrement déshabiller les fillettes. » Le 10 décembre 1902 la police a déboulé et constaté que les trois fillettes ont entre vingt et vingt-deux ans.
Eugénie, qui se fait maintenant appeler Madame de Florinval ou Madame Erzy, n’hésite pas à assurer sa tranquillité en dénonçant la concurrence après du commissaire de police de son quartier. Elle répond en effet aux accusations de ses rivales sur le marché parisien, en les dénonçant et devient bientôt un des indics privilégiés de la brigade des mœurs.
Femme galante
Elle est de nouveau incarcérée en janvier 1903 lors d'une enquête sur ses activités de « femme galante » : selon une pratique alors courante, elle utilise les petites annonces de la presse pour proposer des rendez-vous. Elle s'y « pose en adepte du fouet, tantôt passive, jouant le rôle de victime complaisante, tantôt active, bourreau qui choisit de jeunes proies pour satisfaire des amateurs-voyeurs, et, dans tous les cas contre rémunération. Les tarifs qu'elle indique sont à la mesure des services très particuliers qu'elle rend ».
Sur sa carte de visite, on peut lire : « Madame Lucie Raymond, élégant pied à terre, appartement meublé, chambre au mois et à la journée. Visible de 2 heures à 7 heures, semaine, dimanche et fêtes. 54, rue de la Victoire, 2 étage, maison bourgeoise. » Au dos de la carte : « Une chambre bien garnie sera mise à titre gracieux à la disposition de M. Lépine toutes les fois que la chose lui sera agréable. »
Elle fait preuve d’une imagination débordante dans la rédaction de ses petites annonces, et joue de la vogue du fouet à des fins amoureuses que connaît la fin du siècle. En 1903, illustrant son surnom de « La Religieuse », elle se fait tirer trois portraits en pied par un photographe, deux la représentant en religieuse, la troisième le sein dénudé : « Elle utilise les désirs masculins comme gagne-pain. Mais elle situe son activité à un niveau élaboré. En effet, elle ne pose pas comme « corps à vendre », mais comme partenaire à la recherche de comparses-complices. D'où l'importance déterminante de sa tenue que la photographie divulgue et magnifie. »
Pour Daniel Grojnowski, « quoi qu'il en soit, les voluptés qu'elle éprouve en se laissant fouetter ou en fouettant un inconnu relèvent d'une libido singulière, moins masochiste ou sadique qu'auto-érotique, puisque la mise en scène du scénario auquel elle prend part comme actrice, lui apparaît condition sine qua non de l'orgasme ».
Cependant, lorsque l'on lit de la plume d'Eugénie Guillou « Recevoir le fouet est chez moi une passion, un besoin. Si vous pouvez me trouver un monsieur aisé aimant fesser la femme, je vous dédommagerai généreusement », on a du mal à penser qu'elle n'est pas masochiste et qu'elle vivrait seulement une libido singulière et auto-érotique.
Durant toute sa carrière, elle a emprunté des dizaines de pseudonymes, comme sœur Raphaëlle, Madame Delaunay, Madame du Lac, Madame de Florainvalle, etc.
Proxénètisme
Devenue proxénète et femme d'affaires, elle ouvre successivement plusieurs établissements : une maison de rendez-vous rue de Berlin en mars 1903, un autre rue de la Victoire en décembre 1903, le commerce Beauty Salon rue de Turbigo en 1907. Ce dernier devient l'institut Beauty Palace en 1909, qu'elle quitte en 1911. Les années 1903 à 1907 semblent avoir été les plus prospères : rue de la Victoire, elle a jusqu'à sept ou huit filles sous ses ordres, soumises au contrôle médical, et propose à ses clients de multiples services : « Plaisirs lesbiens, bains et massages divers, voyeurisme. Un rapport de police, plutôt que les énumérer, préfère les mentionner par un double « Etc. ». » Elle déguise des jeunes femmes en mineures pour les corriger tandis que des messieurs espionnent derrière un rideau. Le règlement intérieur de son établissement est : « Les dames ont la permission de donner leur adresse aux visiteurs et de les recevoir chez elles sans que la directrice puisse s’en formaliser ou réclamer la moindre commission à ce sujet. Le soleil luit pour tout le monde, chacun a le droit d’en profiter. »
Eugénie Guillou envoie une lettre à monsieur Lefils, service des garnis, préfecture de police, le 12 octobre 1912 pour proposer ses services : « Tout ce qui se rapporte à la police secrète m’a toujours beaucoup intéressée et attirée. J’aurais le plus grand plaisir à me voir devenir actrice dans la recherche des crimes ou des délits, ayant l’imagination fertile en expédients et trucs de toutes sortes à cet effet. En me présentant par exemple dans une maison de rendez-vous comme une mère voulant livrer sa fillette, je pourrais parfois vous donner d’utiles renseignements sur les tenancières que vous suspectez de faire ce trafic abominable. »
Cette demande à la préfecture de police sera sans suite et elle cherche alors à trouver un mari par petite annonce. Il est temps, elle a cinquante-deux ans : « Naguère fleur ignorée dans l’ombre d’un cloître, âge moyen physique sympathique nature mystique et douce regrettant la vie austère d’antan, que n’ai-je un foyer me la rappelant ! Quel mari d’âge sérieux, aisé, aimant et ferme réalisera mon rêve ? ».
Mariage
Le 21 septembre 1916, elle épouse, à la mairie du 18 arrondissement de Paris, John Dillon MacCormack (1891-1973), docteur irlandais de trente ans son cadet. John Dillon MacCormack, fait partie de la Royal Army Medical Corps lors de la Première Guerre mondiale en tant que capitaine de l'armée britannique. Lors de ce conflit, il a été grièvement blessé à la suite d’un obus allemand. Conduit au Milbank Hospital le 19 décembre 1916 et emmené au Bathurst House Hospital le 27 janvier 1917, ses perspectives de vie sont considérées comme faibles. Il est retourné à Dublin où il est resté pendant près de six ans paralysé de la taille aux pieds. MacCormack devra sa guérison à une visite en 1921 à un chirurgien de Londres spécialisé dans son cas. Il remarchera et gagnera notamment l'Irish Close Championship en 1923, 1924 et en 1927 et le tournoi de Cork Golf Club en 1927.
On perd ensuite la trace d'Eugénie Guillou après son mariage.
Fin de vie
John Dillon MacCormack s'est remarié en 1933 en Irlande avec Jane Walker et il est déclaré veuf dans son acte de remariage, ce qui laisse supposer qu'Eugénie Guillou serait probablement morte entre 1916 et 1933.
Dossier de police
La principale source disponible sur les activités d'Eugénie Guillou, est le dossier de police BA n 1689 retrouvé par Daniel Grojnowski. Celui-ci justifie son intérêt pour ce document et pour ce personnage en ces termes : « Ce qui m'a fasciné, c'est l'extrême énergie et la totale solitude d'une femme qui lutte avec les moyens dont elle dispose, alors qu'elle se dit elle-même sans beauté, dénuée d'attraits particuliers. Elle ne renonce jamais à rester « indépendante », seule contre tous, à la manière d'un chef d'entreprise qui prend en main son destin et, du même coup, tous les risques. »
Bibliographie
- Eugénie Guillou, religieuse et putain par Daniel Grojnowski, Éditeur : Fayard/Pauvert
- Mécaniques du fouet - Vies de Sainte Eugénie par Christophe Dabitch et Jorge Gonzalez, Éditeur : Futuropolis
Lien externe
- Eugénie Guillou, religieuse et putain sur le site des éditions Fayard.
- La belle époque d'Eugénie
- L'histoire vraie d'une nonne devenue prostituée puis indic pour les flics
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