Ciro Bruni

Ciro Giordano Bruni est un enseignant-chercheur italien. Directeur des publications du Groupe d’étude et de recherche des médias symboliques (GERMS). Créateur au parcours original. Sa vie et son œuvre, multi-disciplinaire, conçoit l’artistique comme un acte fondateur de la pensée dans l’exercice du probable et du possible. Le sujet s’y construit en tant qu’unité physique et mentale en pensée et en acte pour faire monde dans un temps nommable, qui est celui du présent.

Il est le fondateur de l’École du fictionalisme scientifique, études philosophiques et anthropologiques de l’art fictionaliste. Il énonce et développe l’hypothèse fictionaliste comme théorie démonstrative de l‘erreur inventant de nouveaux paradigmes, ceux de la mesure déictique du réel, une dimension autre de l'humain, celle de l’être-avec (personne, espace, temps).

Une philosophie du mensonge sous les catégories de l’esthétique, de l’éthique et du politique.

• Scuola di ballo accademia Teatro alla Scala à Milan avec le professeur et danseur Ugo Dell’Ara. Danseur au Teatro alla Scala de Milan.
• Centro di cibernetica e di attività linguistiche dell'Università di Milano avec le professeur Silvio Ceccato.
• Istituto dinamico di psicofisica à Milan, rencontres à Milan et à Paris, en collaboration avec le philosophe Paolo Facchi et d’autres personnalités artistiques et scientifiques : Ettore Sottsass, Gae Aulenti, Violette Morin, Pierre Cardin, J. Grassi, T. Lombardi.

Il réside à Paris depuis 1957 et travaille au Centre universitaire de Vincennes à Paris VIII depuis 1977.

Danse

Création de la compagnie classique Soul Jazz Ballet : style contemporain linéaire et de contraste par expression naturelle, dont s’est inspiré Dominique Bagouet.

L'expression « naturelle » est une manière de dire les états d'âme, les sentiments, la vie des êtres et leur histoire autrement que par une gestuelle mimétique, sous la prégnance d'une dramaturgie ancienne. La danse classique sera, par ce processus, complètement renouvelée et n'exprimera plus l'esthétique ontologique d'une époque révolue (description des créations de Ciro Giordano Bruni au Théâtre de l'Étoile à Paris en juillet 1961, voir L'Enseignement de la danse et après !, page 228, Germs éditeur, 1998).

Réalisation de plusieurs dizaines de chorégraphies sur des musiques de Jef Gilson et Pierre Henry. Metteur en scène et chorégraphe du spectacle Vie, Mort et Miracles, Théâtre de plein-air des Tuileries, Paris, juin-juillet 1966. Création de chorégraphies pour la télévision, émissions de Jean-Christophe Averty, The Passing Show, ORTF, 1963, 1964) - unique document filmé montrant les chorégraphies.

Auteur, metteur en scène et concepteur des peintures accompagnant le spectacle Un jour comme un autre à la Galerie des Quatre Vents à Paris, 1968. Les peintures définies de style analygraphique n’ont plus été présentées depuis.

Création des chorégraphies pour le film Il mondo di notte de Luigi Vanzi.

Création d’une méthode de travail corporel, Harmonisation physique en 1962, amplement diffusée par de nombreux magazines (Jardin des Modes 1963, Marie-Claire 1964-1973 , L'Express 1964, Jours de France 1964, Femmes et Beauté 1964, Guérir 1964, Elle 1967-1968, Votre beauté 1967, Femmes d'aujourd’hui 1973, etc.). Méthode enregistrée sur des disques Pléïade / Erato diffusés en France et au Canada.

Professeur de danse. Conception de l’esthétique psychosomatique en collaboration avec le docteur Paul Chauchard.

Organisation du symposium, Livre blanc de la danse en France, avec des responsables du ministère de la Culture Anne Chiffert et Didier Deschamps, Université Paris VIII, Université Paris 5, Schola Cantorum de Paris, Studio Regard du Cygne, Studio Harmonic, Institut national de la recherche pédagogique (INRP). La synthèse des rencontres est publiée sous le titre L’Enseignement de la danse et après ! sous la direction de Ciro Bruni, Germs éditeur, 1998.

Photographie

Organisation des Rencontres internationales de la photo et de l'image en Seine-et-Marne, de 1972 à 1980. Fête de la photo Areaphoto, Meaux, La Ferté-sous-Jouarre, Sammeron.

Conception et organisation d’expositions thématiques collectives présentées dans les centres culturels français de Rome, Naples, Londres, à la Fondazione Carlo Erba à Milan, à la Galleria AAB à Brescia et au cabaret Voltaire à Turin : Le corps dans son espace vital, 1975 ; Du geste au comportement social, 1976 ; Du visage au modèle mental, 1977.

Ces évènements artistiques et culturels ont rendu possible la rencontre, autant au niveau expérimental que théorique, de toute une génération d’artistes, de photographes et d'universitaires réunis autour de la notion de « fiction » non ontologique et non mimétique.

Parmi les participants : Édouard Boubat, JeanloupSieff, Irina Ionesco, Claude-Raymond Dityvon, Guy Le Querrec, Gisèle Freund, Jean-Philippe Charbonnier, Jean-François Bauret, Martine Franck, Janine Niepce, Hervé Gloaguen, Roland Laboye, Sebastien Delgado, Jacques Minassian, Luigi Ghirri, Franco Fontana, Gianni Berengo Gardin, Joan Fontcuberta, Gina Pane, Jean Le Gac, Paul-Armand Gette, Jacques Monory, Fred Forest, Carla Cerati, Mimmo Jodice, Paul Almasy, Rudolf Bonvie, Vilém Flusser, Franco Ravedone, Belle Journée en Perspective, Occhio Magico, Christian Simonpietri, Vittorugo Contino, Jean-Claude Guillaumon, Raul Vaslin, Augusto Concato, Léa Lublin, Richard Baltauss, Gabriele Basilico, Denis Gheerbrant, Yves Jeanmougin, Paola Mattioli, Antonio Migliori, Bernard Plossu, Arnulf Rainer, Jean-Luis Urli, Poumi Lescaut, École sociologique interrogative, École Vitruve, Évelyne Coutas, Esther Ségal...

Les recherches théoriques et les travaux des plasticiens sont repris dans l'ouvrage Pour la photographie, tome 3 (La vision non photographique), Germs éditeur, 1990.

Le Germs : à l’origine de la notion du fictionalisme scientifique

Groupe d’étude et de recherche des médias symboliques

Création du collectif GERMS en 1974. Le Germs est un groupe dédié à la recherche esthétique, artistique et philosophique, à l’organisation d’événements et l’édition de publications centrées sur le renouvellement des théories de l’art issues de lamodernité, dans une perspective interdisciplinaire et collaborative.

La notion de « fictionalisme scientifique » est apparue en 1984 pour la première fois, à la suite du colloque organisé par Ciro Giordano Bruni sur le thème « De la fiction » à l'Istituto universitario di architettura à Venise, dans la publication des actes Pour la photographie. De la fiction, vol. 2, 1987, Germs éditeur.

Ce colloque réalisa une ouverture inespérée vers le concept de « fiction » en tant que la seule réalité possible, dont la signification apparait de manière implicite dans la présentation des techniques sémiologiques et sémiotiques élaborées par les chercheurs Christian Metz et Michel Colin. Plus tard, en 1990, la pensée philosophique d’Alain Badiou et celle de François Laruelle, dans leur révision du système antique de perception, définissaient la distance inéluctable entre le Réel et la réalité. Le devenir de la fiction en tant qu’annonce événementielle « figure subjective de la connaissance » fut introduit par Alain Badiou dans sa Théorie axiomatique du sujet, 1996-1997, première publication dans l’ouvrage du Germs, Utopia 3 La question de l’art au 3 millénaire, sous la direction de Ciro Giordano Bruni, 2002.

Activités du GERMS - Sous la direction de Ciro Giordano Bruni

• Ateliers: "Nouvelles tendances esthétiques de la Photographie et Perspectives d’une anthropologie visuelle photographique", Espace Canon, Paris, 4-26 juin 1981
• I colloque international pour la Photographie d’Art et de recherche, Université Paris 8 - 23, 24, 30, 31 janvier 1982
• 2 colloque international pour la Photographie d’Art et de recherche, 19, 20, 21, 22 septembre 1984, Istituto Universitario di Architettura à Venise sous le titre De la fiction
• Séminaire au Collège International de Philosophie, Paris - 5, 12, 13, 14, décembre 1985 - 23, 24, 25 janvier, 1 février 1986
• Rencontres au Centre Pompidou: "De la fiction en photographie", BPI, Paris, juin 1998, Intervenants : François Laruelle, Christian Metz, Jochen Gerz, Ciro Giordano Bruni
• Séminaires à l’Université Paris 8 sous le titre "La vision non photographique", 1989
• 1 Biennale Internationale pour la Photographie d’Art et de Recherche: "Les nouvelles tendances de la photographie", colloques et expositions, Paris, décembre 1985 à mai 1986
• Séminaires organisés à l’université Paris 8: "De la mort de l’Art par l’esthétique du procédé à sa renaissance par l’esthétique du processus", mars - mai 1988, Intervenants : Jean-Noël Vuarnet, Gudrun von Maltzan, Costas Mavrakis, Michèle Veillard
• 2 Biennale Internationale pour la Photographie d’Art et de Recherche, Paris, mai - juillet 1990, Lieux des expositions : Espace FIAP, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Galerie Bernanos, Centre culturel de l’Abbaye, Galerie Donguy, Galerie Oudin, Grand Palais, Mairie du 6e arrdt., Espace Keller. Colloque - "La photographie, une philosophie de l’absence" - Intervenants : Alain Badiou, François Laruelle, Peter Knapp, Paul-Armand Gette et Zbigniew Dlubak
• 1 Colloque International pour la Danse et la Recherche chorégraphique contemporaines en relation avec les autres disciplines artistiques et scientifiques: "Une autre scène pour la danse", octobre - novembre 1992, Paris - CipH avec Alain Badiou, ENSBA, Théâtre 18, CID UNESCO, Studio Trigon, Institut d’Études Théâtrales, Centre National des Lettres, Université Paris 8, Conservatoire de Musique et de danse à Chatillon, IRCAM, Centre Georges Pompidou, Sorbonne, Collège International de Philosophie
• 1 Colloque International pour l’Art au 3 millénaire: "De l’Art comme réalité à la réalité des arts", 15, 16, 17 mars 2001, Venise, Istituto Universitario di Architettura
• Colloque: "L’accomplissement de l’œuvre d’art entre œuvre divine et œuvre ouverte" - Université Paris 8 - 4,5 décembre 2003
• Colloque: "L'Art comme Esthétique, Éthique et Politique", Paris, UNESCO, 12, 13 novembre 2004
• Séminaire: "Le mensonge dans la figure de l’art sous les catégories Esthétique, Éthique et Politique", Université Paris 8 - 11, 18 février, 18 mars, 2 avril 2005
• Séminaire-Atelier: "Recherches plastiques et théoriques en anthropologie visuelle photographique", Centre Iris, 8 - 13 octobre 2007
• Colloque au Forum européen de l’essai sur l’art : "Le mensonge dans la figure de l’art, l’exception d’une saisie dans la postmodernité européenne", 13 novembre 2008, Institut national d’histoire de l’Art
• Journées d'étude: "Le fictionalisme scientifique, Ce qui fait réel - le temps de la fiction", 22, 23, 24 mai 2019, Paris, Université paris 8

• Danse et Pensée - Une autre scène pour la danse, actes du colloque international pour la danse et la recherche chorégraphique, GERMS, 1993.
• L'Enseignement de la danse et après ! Contient les actes des rencontres organisées de 1994 à 1997 avec les Universités Paris 5 et Paris 8, GERMS, 1998.
• Utopia 3 - La question de l'art au 3 millénaire, actes du colloque international, Université Paris 8, Université de Venise, mars 2001, GERMS, 2002.
• Le Présent de l'art - L’hypothèse fictionaliste, une philosophie du mensonge sous les catégories esthétique, éthique et politique, à l'occasion d'un colloque organisé à l'Unesco par le GERMS, 2013.
• Pour la photographie I, actes du 1 colloque international pour la photographie, 23-24-30-31 janvier 1982, Université de Paris 8, GERMS, 1983.
• Pour la photographie II - De la fiction, actes du 2 colloque international pour la photographie, 19-20-21-22 septembre 1984, Université de Paris 8, Université de Venise, Istituto universitario di architettura di Venezia, GERMS, 1987.
• Pour la photographie III - La vision non photographique, actes des 1 et 2 biennales internationales pour la photographie d'art et de recherche, GERMS, 1990.

"On ne décrit pas le monde sans le produire".

Chaque époque a questionné la pertinence du vrai et du faux d’une manière plus ou moins urgente. Déjà les sceptiques pyrrhoniens considéraient qu’il était stérile de différencier une idée vraie d’une fausse, car toute affirmation implique une contradiction et toute démonstration ou discours, le rattachement à un dogme. La vérité est inconnaissable, les choses ne sont que ce qu’elles nous paraissent être car nous ne pouvons percevoir que les phénomènes.

Hans Vaihinger (1852-1933) dans sa théorie des fictions énonce que les représentations que l’on se fait sont des productions psychiques construites sur la base de modèles fictionels nous permettant de maîtriser la réalité en l’inventant, et face auxquelles nous faisons "comme si" elles possédaient une existence objective et vraie. Le faux n’est pas pour autant inutile car, d’une idée fausse, nous pouvons tirer des bénéfices pratiques. En effet, le langage, face au réel, tenterait de produire un monde stipulé pour diriger nos rapports dans un environnement donné, en nous permettant ainsi d’agir et de nous adapter. Les fictions deviendraient des dispositifs nécessaires à la structuration du réel par les sciences.

Aujourd’hui, l’hypothèse fictionaliste, en considérant la notion de fiction exprimée par Vaihinger, ne l’assume que comme "mensonge qui ne trompe pas" et méthode de pensée : là où Vaihinger conçoit l’accès au réel uniquement par le langage, l’hypothèse fictionaliste plaide pour l’élaboration du sens à travers la Compétence de l’Artistique. La conception fictionaliste de la réalité, ni vraie ni fausse, car présupposé d’invention artistique, de vérosimilitude, ouvre un champ d’expérimentation inexploré jusqu’à il y a quelques décennies, qui a favorisé l’émergence dans les années 70/90, de la photographie et de la danse comme disciplines célébrant l’exercice du probable pour la construction du Sujet, autant singulier qu’indistinct.

Si on comprend que toute hypothèse ne peut être nourrie que par une croyance singulière, on peut défendre aisément une approche empirique des processus cognitifs et physiques, au cœur des comportements instinctifs, qui amènent le Sujet à la prise de décisions et de choix, selon une cohérence technique propre à l’artistique sous les catégories de l’Esthétique, de l’Éthique et du Politique. Or, dans ce passage de transformation de l’être en Sujet par le biais de l’artistique, tout ce qui a affaire au corps et son équilibre psychosomatique demeure essentiel car le réel réside, en fin de compte, dans la relation.

Par conséquent, les fictions seraient le résultat du travail endogène de qualification d'un cheminement subordonné aux règles et aux lois de la biologie, de la physiologie et de la physique. "Passer de l'atome à l'abstraction du faire est un saut qualitatif, voire dépréciatif de la situation fictionaliste" toujours en mutation. Le fictionalisme scientifique contemple alors le paradigme posé par la réalité de fiction et sa représentation, selon une réflexion heuristique. L’étude et l’élucidation de l’ensemble des outils intellectuels qui agissent permet la découverte (invention) de ce que l’on ignore, en ayant pour objectif, non pas l’affirmation du vrai, mais la compréhension de la fiction comme procédé de vérité fictionelle provisoire, aléatoire, incertaine, entre le possible du réel et la destination cognitive du possible pur.