Sihame Assbague

Militante anti raciste française
The basics

Quick Facts

IntroMilitante anti raciste française
PlacesFrance
isMilitant
Work fieldActivism Military
Gender
Female
Birth1986
Age38 years
The details

Biography

Sihame Assbague est une militante politique française.

Ancienne porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, elle est, en 2017, active au sein de plusieurs associations.

Biographie

Ses parents, originaires du Maroc, ont cinq enfants, la famille vit dans la banlieue sud de Paris. Sihame Assbague est titulaire d’un bac littéraire. Après être passée par une classe préparatoire, elle valide deux masters, l'un en lettres modernes et l'autre en science politique.

Sa première expérience militante remonte à 2004 avec son opposition à la loi sur les signes religieux à l’école alors qu'elle-même ne porte pas le voile : « Chacun fait le choix de ce qu’il a envie d’être. Et interdire à une fille de porter le voile à l’école, c’est lui imposer un choix ». Puis en 2005, la mort de deux jeunes de banlieue, Zyed et Bouna, est pour elle un drame déterminant dans sa construction personnelle :

« Ces deux jeunes qui meurent, ça aurait pu être mes frères : il y a un point d’identification très fort. Et la réaction des médias, les sorties de Nicolas Sarkozy ont alimenté ma colère : cet événement, c’est le point de rupture. »

Après un diplôme en sciences politiques, elle travaille comme chargée de mission (ou «conseillère politique») pour la mairie du 14e arrondissement de Paris dont le maire est Pascal Cherki du parti socialiste, mais démissionne rapidement « Mes idées, mon engagement ne collaient pas avec mon travail. » Puis elle est professeure de français dans un lycée de banlieue dans une zone d'éducation prioritaire à Épinay-sur-Seine avant de démissionner une nouvelle fois pour voyager en Europe et aux États-Unis.

En 2012, elle devient porte-parole du collectif contre le contrôle au faciès.

En 2014, d'après Caroline Fourest, elle s'est montrée très active, pendant la campagne municipale, contre le maire communiste sortant de Bobigny dont l'un des soutiens a été qualifié d'islamophobe. « Quelques mois après sa victoire, la nouvelle mairie (UDI) confiait des missions de formation et de «communication» à Studio Praxis et à Sihame Assbague. »

« Entrepreneuse sociale », Sihame Assbague se définit comme « féministe intersectionnelle » et fait la promotion du community organizing — organisation communautaire —, un mode de militantisme dont Saul Alinsky est considéré comme le fondateur et qui, selon Mathieu Dejean (Les Inrocks) ; « promet de rendre le pouvoir aux quartiers populaires. »

Le 27 juin 2014, invitée du dix-neuvième numéro de l'émission Objections (Médiapart) — peu de temps après l'adoption par l'Assemblée nationale française de la réforme pénale — elle déclare que « beaucoup de personnes dans les quartiers populaires considèrent que la justice est discriminatoire, que c’est une justice à deux vitesses, en faveur des riches et de certaines franges », et estime que « rien n'a été fait contre les contrôles au faciès ». Le 28 août, dans une tribune de Libération — qu'elle signe avec Rokhaya Diallo —, elle écrit : « [La France] devrait sentir les corps de ces millions de citoyens qui, à force de contrôles au faciès, d’abus, d’humiliations, cueillent indignés les fruits de la colère. Elle devrait entendre ce sourd bourdonnement, celui de l’émeute silencieuse, le « langage de ceux que l’on n’écoute pas » et qui ne demandent pourtant que justice ».

Le 2 octobre 2014, elle est invitée sur le plateau de l'émission Des paroles et des actes, face à Alain Juppé, dont elle questionne la légitimité à se présenter à l’élection présidentielle française de 2017 : « Comment pouvez-vous prétendre, alors que vous avez été le bourreau des principes républicains, être prochainement le garant de la devise républicaine, et représenter la France ? » Alain Juppé remarque qu'elle est une « redoutable rhétoricienne » lorsque après qu'il eut reconnu l'existence d'un « racisme structurel », elle opéra un glissement sémantique en parlant de racisme « institutionnel » — pour les Inrocks, c’est ainsi « que Sihame Assbague fit irruption médiatiquement ».

En juin 2015, Sihame Assbague, alors porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, participe à la condamnation de l’État français pour des contrôles de police jugés discriminatoires. L'État s'est pourvu en cassation mais n'a pas eu gain de cause.

Militante antiraciste, elle critique le peu de résultat de l'association SOS Racisme au regard de ses moyens. « Avec une telle organisation et de tels moyens, ils devraient avoir une action de terrain. Mais non, ils n’en sont pas capables. Du coup, ils n’ont aucune légitimité à demeurer. Que l’on donne l’argent aux associations qui luttent vraiment contre le racisme. » Par ailleurs, elle s’implique dans le mouvement contre la loi El Khomri.

Journalisme et réseaux sociaux

Elle explique avoir bénéficié des réseaux sociaux qui ont permis « d'établir de nouveaux rapports de force, et de rendre visible cette parole que l'on a tant voulu occulter. » Elle y participe à donner de la visibilité à un certain nombre d'affaires liées à des comportements racistes, à des abus ou à des violences policières.

Le 1er septembre 2015, lors du lancement de Contre-attaque(s) — plateforme internet de lutte contre l’islamophobie publiée sous la direction de Alain Gresh —, Sihame Assbague est membre de son comité de rédaction.

Se définissant comme « journaliste par obligation », elle forme un binôme de « contre-journalistes du net» avec la journaliste Widad Ketfi, blogueuse sur Bondy Blog et cheffe d'édition pour une émission sur Canal+. Les « journactivistes » utilisent des applications comme Périscope pour mener des contre-enquêtes sur des articles ou propos jugés diffamatoires. Elles ont ainsi critiqué point par point un dossier du Figaro Magazine dédié à la ville de Saint-Denis. Toujours avec Widad Kefti, elles décryptent en direct sur YouTube (sous le hashtag #DossierTabouche) l'émission de M6, diffusée le 28 septembre 2016, titrée « L’islam en France : la République en échec » et présentée par le journaliste Bernard de La Villardière. Sihame Assbague dédie l'émission à Adama Traoré. L'anthropologue Nacira Guénif-Souilamas et l'ancien consul de Tunisie en France Karim Azouz ont participé à cette émission.

Manifestations

En octobre 2015, elle est invitée sur le plateau de Mediapart pour expliquer les raisons de sa participation à la « marche de la dignité », avec des femmes issues de l'immigration qui, combattant le sexisme et le racisme, se revendiquent « afroféministes », « féministes décoloniales », ou encore infrançaises face au regard qu'on leur renvoie en les considérant comme des autres, qui ne seront jamais tout à fait françaises. Il s'agit d'un mode de luttes qui d'après Le Monde ; « troublent les militantes historiques ».

Polémiques

Sihame Assbague fait l'objet de diverses critiques, allant de l'accusation de communautarisme à celle de racisme antiblanc. Elle répond à ce sujet :

« Personne ne dit que les Blancs ne peuvent pas partager le combat antiraciste. Au contraire. Mais comme pour toutes les autres oppressions, il appartient aux concernés de s’organiser et de lutter pour leur émancipation. »

À la suite de la diffusion de l'émission Des paroles et des actes, Bruno Roger-Petit qualifie Sihame Assbague de « militante communautariste antiraciste », « "activiste pour les droits civiques" autoproclamée », et « s'étonne que l'émission […] donne autant de visibilité, de manière récurrente, à des mouvements intolérants et peu représentatifs ». Dans un billet, Julien Salingue d'Acrimed dénonce « les petites manipulations » de Bruno Roger-Petit qui amalgame « une militante associative, porte-parole d'un collectif dénonçant le racisme et les violences policières » avec le fait d'être « facho ».

Camp d'été décolonial

En août 2016, Sihame Assbague et Fania Noël organisent un « camp d'été décolonial », ouvert seulement aux « personnes subissant à titre personnel le racisme d’État en contexte français ». Les rencontres, non-mixtes, excluant de fait « les personnes blanches », ont pour objectif d'offrir aux personnes « subissant le racisme d'État en contexte français », un espace de rencontre et de réflexion. Les participants expliquent « préférer un espace où personne ne pourra douter de la véracité de leur ressenti ou le tempérer en le taxant de "victimisation" ou de "paranoïa" ». La sociologue Hanane Karimi, la politologue Françoise Vergès et le porte-parole de la Brigade anti-négrophobie Franco Lollia y animent des ateliers de réflexion, ainsi que Marwan Muhammad, président du CCIF.

Environ 150 à 180 personnes se sont inscrites au camp qui doit durer quatre jours. L'événement provoque une polémique nationale. Une polémique que la politologue Audrey Célestine, considère comme incarnant parfaitement la difficulté « à avoir une discussion critique non hystérique ».

En mai 2016, un collectif d'une cinquantaine d'universitaires, militants et artistes avait pris la défense du camp d'été décolonial, dénonçant « une République qui nie les formes contemporaines de racisme et d'oppression post-coloniale, et dont les élus cherchent, par de curieux renversements, à transformer celles et ceux qui subissent quotidiennement le racisme et l'islamophobie en figures de la division. »

Racisme

Alain Jakubowicz, président de la LICRA, y voit un « racisme qui ne dit pas son nom ». Certains observateurs qualifient l'événement de « racisme à l’envers », de racisme culturel, ou d'apartheid opposé à l'« universel humain ». Pour SOS Racisme : le camp, « un rassemblement ouvertement raciste organisé par des individus qui ont choisi de transformer leurs névroses identitaires en haines politiques », n'a aucun rapport avec l'antiracisme. Le journaliste Tefy Andriamanana note« on peut parler de “néo-identitaires” […] Ce Camp n’est pas un nouvel antiracisme, c’est un remix de l‘extrême-droite identitaire. Il n’émancipe pas les gens, il les enferme dans des petites cases. Au lieu de défendre des valeurs communes, il cultive les divisions ».

Le journaliste Bruno Roger-Petit décrit Sihame Assbague comme une représentante de la « mouvance différencialiste des éléments d’extrême gauche », « proche du Parti des Indigènes de la République », dont la pensée conduit à « une forme d’apartheid mental qui aboutit à des manifestations racialistes sous prétexte de lutte contre le racisme. »

Non-mixité

Article connexe : Non-mixité.

Interrogées lors des journées du camp, les organisatrices assument le choix de la non-mixité qui a déjà été utilisée lors des mouvements pour les droits civiques aux États-Unis, ou dans les mouvements féministes. Selon Faïza Zerouala, de Mediapart, il s'agit pour elles « de permettre à des personnes, unies par les mêmes expériences de vie et animées par le même désir, de s’organiser, de se rencontrer et de réfléchir ensemble à des solutions ». Fania Noël considère la polémique comme la preuve que « l’autonomie est vue comme un danger par les personnes qui ont des choses à perdre dans l’émancipation. De toute façon, on n'a parlé que de la forme. Les rares qui ont parlé des thématiques ont décrété que c’était de toute façon dérangeant ».

Lors de la séance des questions au gouvernement du 27 avril 2016, Najat Vallaud-Belkacem, déclare — dans une réponse à Bernard Debré — qu'elle « condamne absolument la tenue de ces réunions comme celle du camp d’été que vous avez évoqué […] Ces initiatives sont inacceptables, car, bien loin de l’objectif qu’elles prétendent poursuivre, elles confortent une vision racialiste et raciste de la société qui n’est pas la nôtre […] Au bout de ce chemin, je le dis à tous ceux qui l’empruntent, il n’y a que le repli sur soi, la division communautaire et le chacun chez soi ».

Selon Eugénie Bastié, l'initiative est représentative d'un phénomène qui se répand « dans les mouvements de la gauche radicale […] la non-mixité, une forme d'ostracisme assumé qui exclut une partie des individus du débat au nom de la lutte contre un «système» dominant ».

Éric Fassin explique que si « les non-Blancs ont commencé à se faire entendre, c’est parce qu’une nouvelle génération diplômée est apparue. Faire l’expérience du racisme quand on est en bas de l’échelle sociale, ce n’est pas surprenant. Mais quand on a réussi socialement, on ne s’y attend pas : l’exaspération est d’autant plus grande ».

Malgré les critiques et la polémique, le rassemblement n'est pas interdit ; le préfet estimant « qu'il n'y avait eu ni "expression publique de racisme ou d'exclusion", ni de "trouble à l'ordre public" pouvant justifier l'interdiction de l'événement ». Pour les organisatrices la non-mixité est une « nécessité politique », car « les paroles blanches sont survalorisées, surinterprétées, surlégitimées comparé aux paroles et pensées non-blanches ».

Selon Sylvia Zappi, journaliste au Monde, les réunions réservées aux « non blancs » se multiplient et « rassemblent des jeunes militants désireux de défendre un "antiracisme politique", qu’ils opposent à l’antiracisme "moral" des années 1980 ». Pour Didier Leschi — critique à l'égard du choix de la non-mixité —, la racialisation des rapports sociaux est extrêmement négative ; « un mécanisme d’exclusion qui ne peut que renforcer ceux qui pensent qu’il y a une division de l’humanité organisée sur la race, ce qui est le cas de l’extrême droite ». Les militants — qui se nomment les « racisés » — rejettent l'argument de positionnement identitaire ou de racisme en soulignant qu'ils ne « dénoncent pas une réalité biologique […] mais une réalité sociale ». Selon la politologue Frédérique Matonti, « derrière l’universel, il y a des processus qui favorisent les hommes plutôt que les femmes, les Blancs plutôt que les racisés ».


Notes et références

Notes

Références

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